Me sera-t-il permis aujourd'hui d' ouvrir un tombeau devant
la cour, et des yeux si délicats ne seront-ils point offensés par un objet si
funèbre ? Je ne pense pas, messieurs, que des chrétiens doivent refuser d'
assister à ce spectacle avec Jésus-Christ. C' est à lui que l' on dit dans notre
évangile : seigneur, venez, et voyez où l' on a déposé le corps du
Lazare ; c' est lui qui ordonne qu' on lève la pierre, et qui semble nous dire à
son tour : venez, et voyez vous-mêmes. Jésus ne refuse pas de voir ce corps
mort, comme un objet de pitié et un sujet de miracle ; mais c' est nous, mortels
misérables, qui refusons de voir ce triste spectacle, comme la conviction de nos
erreurs. Allons, et voyons avec Jésus-Christ ; et désabusons-nous éternellement
de tous les biens que la mort enlève.
C' est une étrange faiblesse de l' esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu' elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses. On n' entend dans les funérailles que des paroles d' étonnement de ce que ce mortel est mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l' a entretenu ; et tout d' un coup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c' est que l' homme ! Et celui qui le dit, c' est un homme ; et cet homme ne s' applique rien, oublieux de sa destinée ! Ou s' il passe dans son esprit quelque désir volage de s' y préparer, il dissipe bientôt ces noires idées ; et je puis dire, messieurs, que les mortels n' ont pas moins de soin d' ensevelir les pensées de la mort que d' enterrer les morts mêmes. Mais peut-être que ces pensées feront plus d' effet dans nos coeurs, si nous les méditons avec Jésus-Christ sur le tombeau du Lazare ; mais demandons-lui qu' il nous les imprime par la grâce de son saint-esprit, et tâchons de la mériter par l' entremise de la sainte Vierge.
C' est une étrange faiblesse de l' esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu' elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses. On n' entend dans les funérailles que des paroles d' étonnement de ce que ce mortel est mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l' a entretenu ; et tout d' un coup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c' est que l' homme ! Et celui qui le dit, c' est un homme ; et cet homme ne s' applique rien, oublieux de sa destinée ! Ou s' il passe dans son esprit quelque désir volage de s' y préparer, il dissipe bientôt ces noires idées ; et je puis dire, messieurs, que les mortels n' ont pas moins de soin d' ensevelir les pensées de la mort que d' enterrer les morts mêmes. Mais peut-être que ces pensées feront plus d' effet dans nos coeurs, si nous les méditons avec Jésus-Christ sur le tombeau du Lazare ; mais demandons-lui qu' il nous les imprime par la grâce de son saint-esprit, et tâchons de la mériter par l' entremise de la sainte Vierge.
Jacques Bénigne Bossuet
Sermons et Oraisons Funèbres
1997, ed. Points, col. Sagesses
pormenor de pintura de Rogier van der Weyden
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